Extrait du livre « Albert CALANOTTI et les Rois de la Pétanque » par Mario GARRO,
journaliste du journal « La Marseillaise », paru en 1976 à Marseille, Editions « La Marseillaise
».1. Extrait du chapitre « BESSE, le roi de la pétanque », pages 168 et 169.
En 1969, BESSE gagna avec CHARLY et BACCIARDI et devint recordman absolu du RICARD-LAMARSEILLAISE. Cette année-là, BESSE fut le roi de l'INTERNATIONAL à PETANQUE qu'il domina de bout en bout. En demi-finale contre VANNI, il fit une partie comme on n'en fait qu'une ou deux dans la vie.
Demi-finaliste en 1967, Jeannot VANNI avait empoigné son sujet à pleins bras. Fidèle à son
personnage, il avait pris tous les risques entraînant avec lui ses coéquipiers Robert LE NOIR et MARLETTO, à se surpasser. VANNI étalait devant les maîtres de la pétanque une adresse
insolente, mais pour battre BESSE, il aurait fallu encore plus d'adresse et plus de classe.
A onze partout, la victoire de VANNI ne faisait plus l'ombre d'un doute. Il avait le treizième point par terre, pour se sortir d'affaire BESSE devait réussir un carreau en place, même en trap-pant, il avait perdu la partie. Silence dans le stade - c'est la règle sacrée - BESSE regarda la boule bien en face, revint au rond, et on entendit claquer un carreau. BESSE venait de tirer... chapeau !
«J'ai eu la chance de réussir un carreau» disait BESSE peu après mais le public debout comme un seul homme s'écria : «II n'y avait que BESSE pour faire ça».
L'ultime empoignade groupait six champions de première : BESSE, BACCIARDI, Charly de
GEMENOS contre DEJEAN, GALES et MARCEAU, un gamin de Paris qui avait fait sensation en mettant à l'ombre tous les gros bras de Marseille. Il a suffi que MARCEAU apparaisse pour que l'on n'entende plus parler de BALDI, LOVINO et BROCCA.
MARCEAU confirma en finale la fïère impression qu'il avait produite. Il arborait toujours son petit sourire moqueur, mais cette fois, il avait devant lui Monsieur Pétanque : BESSE souverain, implacable qui donnait dans le pathétique en sauvant des situations désespérées, comme seuls savent le faire ceux qui se battent la foi collée aux tripes. CHARLY de son côté, répondait par des carreaux aux carreaux de MARCEAU, soudain lâché par ses hommes éprouvés par le feu de BESSE et CHARLY à qui BACCIARDI préparait admirablement le terrain.
MARCEAU n'avait pas réussi l'exploit de gagner le RICARD-LA MARSEILLAISE à 20 ans, mais il avait gagné le c?ur du public, le respect de ses adversaires et emballé le Roi de la Pétanque lui-même : François BESSE qui disait après la finale :
Prodigieux ce petit MARCEAU. Il m'a littéralement emballé. Je crois que si j'étais riche, je l'achèterais pour moi tout seul, pour mon plaisir personnel. Je l'emmènerais au Parc Borély et là, assis sur un banc, je le regarderais tirer du matin au soir. Ça me rappellerait mes vingt ans
».2. Extrait du chapitre « Bébert de Cagnes, le roi des flambeurs », pages 172 et 173.
Bébert de Cagnes dont la valeur est consacrée par un titre national tête-à-tête, règne sur la France des flambeurs. Il a des contrats d'exclusivité avec de grosses légumes de Paris et de la Côte d'Azur qui cherchent à se faire mousser avec le talent des autres et à des fins électorales.
Bébert de Cagnes est payé au carreau en place, autant dire qu'il gagne bien sa vie. Le petit
MARCEAU était lui aussi de cette race des joueurs. On l'entretenait pour jouer aux boules.
BESSE avait dit de lui : « Ce MARCEAU, si j'étais riche, je l'achèterais pour mon plaisir person-nel. Pour le voir tirer du matin au soir ».
Mais, LE CACOU qui s'est payé ce luxe, ne nourrit pas les mêmes sentiments envers le môme
MARCEAU. Mettez-vous à sa place. Il l'a accueilli chez lui. Il l'a niché, choyé, dorloté, habillé des pieds à la tête. Il lui a fourni l'argent de poche, les intégrales, les meilleurs restaurants. En retour, il ne lui demandait que quel-ques carreaux. Peu de choses pour un garçon aussi adroit mais le môme aimait trop l'oseille et il n'a pas hésité à «doubler» LE CACOU en frappant les siennes. LE CACOU qui est le roi des braves types, se contenta de lui dire en apprenant son infortune :
« Va-t'en vite, morveux et que je ne te revois plus à Marseille».
jusqu'au jour où, des truands arnaqués et moins indulgents que LE CACOU lui firent effectivement sa fête.
Séquestré dans un bouge, le môme en sortit miraculeusement indemne, marqué au rasoir et les poignets brisés. Depuis, MARCEAU n'est plus que l'ombre du prodigieux tireur qui avait émerveillé Marseille.
BEBERT DE CAGNES et MARCEAU vivent exclusivement des boules comme OTHELLO, CESAR DE MONTELIMAR, JO ARAMA.
D'autres comme MASCON, LOVINO, PEPE RUIZ, LUBRANO, BALDO, BESSE, MAGNANI, LE JAPONAIS, VANNI, LUCCHESI, ROUVIERE, AGACCIO, SALVADOR tirent de la pétanque le plus clair de leur revenu.
D'autres cèdent à la passion du jeu, comme Milou RICHARD le flambeur au c?ur tendre qui explique:
« J'aime ça - c'est passionnant, c'est ma drogue à moi ».
Milou LE COIFFEUR a perdu un jour son salon de coiffure avant de le regagner. Un notaire aixois a perdu son étude. Un vacancier suisse de passage au Parc Borély a perdu sa mercédès, MARCEAU a failli perdre la vie et l'Aixois Paul RIGAUD l'a effectivement perdue à L'Isle-sur-Sorgues, dans une partie de pétanque, qui ressemblait étrangement à du poker.
Vous voyez la pétanque, n'a pas toujours ce caractère bon enfant qu'on lui attribue. Mais quoique l'on fasse personne ne pourra empêcher certains joueurs spécialisés dans la farce des boules honteuses d'égayer leurs parties d'un peu de braise.
Quoi que l'on dise et même en y mettant de la bonne volonté personne ne réussira à faire passer Bébert de Cagnes, MARCEAU, LOVINO, AGACCIO et les rois de la flambe pour des en-fants de ch?ur.
J'ignore, si tous ces caïds servent le prestige de la pétanque. Ce dont je suis sûr en tout cas, c'est qu'ils ne sont pas faits pour servir la messe. La pétanque n'est pas, et ne sera jamais un cantique.
Extrait du livre « C'est ça la Pétanque » par André DESPLAS, paru en 1971 à Paris, Editions
Solar Editeur, pages 85, 86 et 87
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